Les managers sont souvent confrontés à des difficultés lorsqu’il s’agit de donner de la reconnaissance. Une des raisons courantes évoquée est la peur de se sentir faible. Cette réponse émotionnelle peut être considérée comme une croyance limitante. Une croyance est une affirmation personnelle qui influence notre perception de nous-mêmes, des autres et du monde en général. Elle a un impact sur nos pensées, nos émotions, nos comportements, et sont renforcées par des stratégies cognitives telles que le biais de confirmation. Pour  changer une croyance limitante, il est nécessaire de faire l’expérience de nouvelles perspectives, soit à travers une expérience marquante, soit par des expériences répétitives ou encore une combinaison des deux.

Mais d’où vient cette croyance limitante ?

Vous connaissez surement la chanson « Fait pas ci, fait pas ça » de Dutronc qui exprime des injonctions exigeant que l’on se conforme à une image attendue. Si l’on s’y conforme c’est pour recevoir un signe de reconnaissance (un stroke) on prouve notre valeur, notre droit d’exister, notre droit d’être aimé. Si l’on ne s’y conforme pas, c’est aussi pour recevoir un stroke, négatif cette fois, par ce que la reconnaissance négative est préférable à l’absence totale de reconnaissance.

Les messages contraignants, également appelés « drivers », sont de grandes consignes internes qui dictent nos comportements. Ils sont au nombre de cinq et sont constitués d’un ensemble de croyances et de valeurs inculquées par nos parents, des figures d’autorité et les autres adultes qui nous entourent. Dans le cas de la peur de se sentir faible, cela pourrait être lié au driver « Soit fort », bien que cela reste à confirmer par plusieurs autres indicateurs.

Ce driver est hérité en raison de discours tels que « Un grand garçon ne pleure pas » ou encore des remarques du type « Et tu n’as même pas pleuré ! Je suis fier de toi ». Il y a aussi des expressions comme « Ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts », « Il n’y a aucune raison d’avoir peur », « Tu es trop sensible » ou encore « La vie est dure, qu’est-ce que tu crois ? ». Il existe également des indices moins visibles, tels qu’un mode de fonctionnement au sein de la famille où celui qui se montre le plus « fort » a toujours raison. Une fois adulte, ces enfants peuvent utiliser des expressions telles que « Dans la vie, il y a deux catégories de personnes : les forts et les faibles » ou encore « les dominants et les dominés ».

Il est essentiel de comprendre que le driver ‘Soit fort’ peut avoir des conséquences positives, telles que la résilience, la prise de responsabilités, la capacité à porter des projets, des équipes sans oublier l’orientation vers les résultats Cependant, chaque médaille a son revers, et cela peut se manifester par le déni des émotions, un style de management coercitif basé sur l’intimidation et parfois la peur, des jeux de pouvoir ou une aversion à demander de l’aide. Il est donc important pour les managers de se questionner sur les situations où ce driver est un atout pour eux et celles où il devient un handicap. En prenant conscience de ces schémas, et en se donnant la permission de par exemple montrer leurs émotions dans une situation hyper contextualisée dans un premier temps (avec qui, quand, comment…) ils pourront choisir de les influencer et de les modifier, plutôt que de les subir.

En conclusion, le driver ‘soit fort’ peut constituer un obstacle à la capacité de donner de la reconnaissance. Il est important de comprendre les conséquences positives et négatives de ce driver dans le contexte professionnel tout en prenant conscience des croyances limitantes héritées de notre enfance et des comportements qui en découlent. En en adoptant un regard réflexif en tant qu’adulte, il devient possible de changer ces schémas et de mettre ce driver à notre service, au lieu de le subir.